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Le sommeil mit longtemps à venir. Il flottait sur son nuage de Novril et réfléchissait à la situation dans laquelle il se trouvait. Il y arrivait un peu plus facilement maintenant, semblait-il. Plus facile, en tout cas, que de penser au livre qu’il avait mis à mort après lui avoir donné naissance.
Des choses… des choses indépendantes comme ces morceaux de tissu que l’on cousait ensemble pour en faire des couvre-pieds.
Ils étaient à des kilomètres de ces voisins qui, d’après Annie, ne l’aimaient pas. Comment s’appelaient-ils, déjà ? Boynton. Non, Roydman. Oui, Roydman. Et à quelle distance de la ville ? Certainement pas très loin. Il se trouvait dans un cercle dont le diamètre devait faire au moins vingt kilomètres et au plus soixante. La maison d’Annie était quelque part dans ce cercle, ainsi que celle des Roydman ; comme aussi Sidewinder centre ville, aussi minuscule que fût l’agglomération…
Et ma voiture ? La Camaro traîne aussi quelque part dans ce cercle. La police l’a-t-elle retrouvée ?
Il estima que non. Il était un personnage connu ; si l’on avait retrouvé un véhicule dont les plaques renvoyaient à son nom, une simple vérification aurait permis de constater qu’il avait disparu peu après avoir quitté Boulder. La découverte de la Camaro, vide et accidentée, aurait déclenché des recherches, aurait fait l’objet de bulletins d’information…
Jamais elle ne regarde les nouvelles à la télévision, jamais elle n’écoute la radio, à moins qu’elle ne se serve d’un casque ou d’un bidule comme ça.
C’était un peu comme le truc du chien dans l’histoire de Sherlock Holmes – celui qui n’aboyait jamais. On n’avait pas trouvé sa voiture, puisque les flics n’étaient pas passés. Si on l’avait découverte, on aurait vérifié chez tout le monde dans ce cercle hypothétique, non ? Et au fait, combien pouvait-il y avoir de personnes dans un tel cercle, près du sommet du versant occidental ? Les Roydman, Annie Wilkes, peut-être dix ou douze autres ?
Qu’on ne l’ait pas encore retrouvé ne signifiait cependant pas qu’ils ne finiraient pas par y arriver.
Son imagination débridée (celle qui ne lui venait pas du côté de sa mère) prit alors le relais. Le flic était grand, beau dans le style froid, avec des favoris peut-être un petit peu plus longs que ce qu’autorise le règlement. Il portait des lunettes de soleil très sombres dans lesquelles la personne interrogée voyait son reflet. Sa voix présentait des intonations typiques du Middle West.
Nous avons trouvé, à mi-chemin de la route de montagne Machin-truc, une voiture renversée dans le fossé qui appartient au célèbre écrivain Paul Sheldon. On a découvert des taches de sang sur le siège et le tableau de bord, mais aucune trace de lui. Il a dû en sortir à quatre pattes. Peut-être a-t-il été capable de faire un bout de chemin, à demi sonné…
De quoi rire, vu l’état de ses jambes, mais bien entendu ils ne pouvaient pas savoir quelle était la gravité de ses blessures. Il était logique de supposer que puisqu’il n’était plus là, il avait été assez solide pour parcourir une certaine distance. Le cours de leurs déductions n’avait guère de chances de les conduire à l’hypothèse d’un enlèvement, en tout cas pas au début, et probablement jamais.
Ne vous souvenez-vous pas avoir aperçu quelqu’un sur la route, le jour de la tempête ? Un homme de haute taille, quarante-deux ans, cheveux blond clair ? Portant vraisemblablement des blue-jeans, une chemise de flanelle à carreaux et une parka ? Peut-être l’air un peu dans les vapes ? Savait peut-être même pas qui il était, fichtre !
Annie offrirait le café au flic dans la cuisine ; elle ferait bien attention à ce que toutes les portes fussent hermétiquement fermées entre la chambre d’ami et cette cuisine. Au cas où il gémirait.
Mais non, monsieur l’agent. Pas vu âme qui vive. En fait, je suis revenue de la ville aussi vite que j’ai pu, quand Tony Roberts m’a dit que cette saleté de tempête ne se dirigeait pas vers le sud, en fin de compte.
Le flic reposait la tasse de café et se levait : Eh bien, si vous voyez quelqu’un qui ressemble à cette description, Ma’ame, j’espère que vous nous contacterez aussi rapidement que possible. C’est quelqu’un de tout à fait célèbre. On l’a vu dans le magazine People. Dans d’autres, aussi.
Je n’y manquerai pas, monsieur l’agent !
Et il repartirait.
Peut-être quelque chose de semblable s’était-il déjà produit et il ne s’en était pas rendu compte. Qui sait si son flic imaginaire – ou sa contrepartie en chair et en os – n’avait pas déjà rendu visite à Annie Wilkes pendant qu’il était sous l’effet de la drogue ? Dieu sait s’il en passait du temps, dans cet état ! Mais à la réflexion, cela lui parut peu vraisemblable. Il n’était pas Tartampion de Trifouillis-les-Oies, un péquenot qui n’avait fait que passer par là. On l’avait vu dans People (premier best-seller) dans Us (premier divorce) ; il avait été question de lui dans l’émission du dimanche de Walter Scott, Personnality Parade. On aurait vérifié, revérifié, soit par téléphone, soit plus probablement par une nouvelle tournée des flics. Quand une célébrité – même une demi-célébrité comme l’est un écrivain – disparaît, la tension monte.
Tout ça, ce ne sont que des suppositions, mon vieux.
Des suppositions, ou des déductions, comment savoir ? De toute manière, cela valait mieux que d’être allongé là à ne rien faire.
Et au fait, les glissières de sécurité ?
Il essaya de se souvenir, mais rien ne vint. Il se rappelait seulement avoir tendu la main vers ses cigarettes, puis la manière stupéfiante dont ciel et terre avaient échangé leur place, puis l’obscurité. Mais de nouveau, il était plus facile de croire par déduction (ou par un jeu raffiné de suppositions, si on voulait couper les cheveux en quatre) qu’il n’y en avait pas eu. Des glissières défoncées, des fils téléphoniques coupés auraient alerté les services d’entretien.
Mais alors, qu’est-ce qui lui était exactement arrivé ?
II avait perdu le contrôle de son véhicule à un endroit où il n’y avait pas exactement un ravin, mais une pente très raide – suffisante pour que la voiture parte en vol plané. Si la pente avait été plus accentuée, il y aurait eu des glissières de sécurité ; si elle avait été plus accentuée, Annie Wilkes aurait trouvé beaucoup plus difficile (sinon impossible) de l’approcher, et encore plus de le traîner seule jusqu’à la route.
Où se trouvait donc la Camaro, en fin de compte ? Enterrée dans la neige, évidemment.
Paul se cacha les yeux du bras et vit un chasse-neige opérant sur la route où il venait d’avoir son accident deux heures auparavant. Tache orangée sans éclat dans la bourrasque de neige, en ce début de soirée. L’homme qui conduit l’engin est emmitouflé dans ses vêtements jusqu’aux yeux ; il porte sur la tête une casquette de cheminot démodée bleu et blanc. À sa droite, au bas d’une petite pente qui, un peu plus loin, se transforme en un ravin plus typique de cette région, se trouve la Camaro de Paul Sheldon dont l’autocollant décoloré HART FOR PRESIDENT, sur le pare-chocs arrière, est la chose la plus vive, là au fond. Le pilote du chasse-neige ne voit pas la voiture ; et l’autocollant est trop délavé pour attirer son œil. Les boucliers de l’engin obstruent une bonne partie de sa vision latérale, il fait presque nuit, et il en a plein le dos. Il n’a qu’un désir, finir ce trajet, ranger l’engin et pouvoir enfin déguster une tasse de café bien chaud.
Il passe rapidement à la hauteur de la Camaro en envoyant un gros nuage de neige poudreuse dans la ravine. Elle était déjà ensevelie jusqu’aux vitres, la voici enterrée jusqu’au toit. Plus tard, au plus profond de ce crépuscule de tempête dans lequel même ce qui est en face de soi prend un aspect irréel, son successeur de service passera à son tour et achèvera l’inhumation du véhicule.
Paul ouvrit les yeux et se mit à contempler le plafond de plâtre. On y voyait toute une série de craquelures fines comme des cheveux qui formaient des groupes de S ou de L entrelacés. Ils lui étaient devenus très familiers, au cours de ces interminables journées depuis qu’il était sorti du nuage, et il en suivit une fois de plus les détours, cherchant paresseusement des mots commençant par S ou L, comme sorcière, salope ou lessivé, loquedu.
Ouais.
Cette hypothèse tenait debout. Tenait bien debout.
Avait-elle réfléchi à ce qui se passerait si on retrouvait sa voiture ? C’était possible. Elle était maboule, mais maboule n’était pas synonyme de stupide.
Et pourtant, il ne lui était jamais venu à l’esprit qu’il pût avoir un double de Fast Cars.
Ouais, et elle avait raison. Cette salope avait raison. Je n’en avais pas.
Image des feuillets noircis s’envolant dans l’air chaud, les flammes, les bruits et les odeurs de la mise à mort – il grinça des dents à cette évocation et essaya de la chasser de son esprit. Une imagination trop vive n’était pas toujours bonne.
Non, tu n’en avais pas, mais neuf écrivains sur dix en auraient eu un. Ou en tout cas en auraient eu s’ils avaient été payés aussi bien que toi, même pour les livres en dehors de la série des Misery. Ça ne lui est même pas venu à l’esprit.
Elle n’est pas écrivain.
Mais elle n’est pas stupide non plus, comme nous l’avons admis tous les deux. Je crois qu’elle est remplie d’elle-même. Brûler le manuscrit lui a paru la bonne chose à faire, et l’idée que sa conception de la bonne chose à faire puisse être court-circuitée par des objets aussi vulgaires qu’une photocopieuse, une ou deux rames de papier et une poignée de pièces… cette alerte n’a jamais clignoté sur son tableau de bord, mon vieux.
Ses autres déductions n’étaient peut-être que des constructions sur des sables mouvants mais cette analyse d’Annie Wilkes lui paraissait aussi solide que le rocher de Gibraltar. Du fait de ses recherches pour Misery, il en savait un peu plus que le commun des mortels sur les névroses et les psychoses, et n’ignorait pas que si une personnalité psychotique passait par des périodes alternées de profonde dépression et d’état d’excitation frôlant l’agressivité, elle était avant tout sous-tendue par un moi démesurément gonflé et infecté, sûre que tous les regards se portaient sur elle, que le drame dont elle était porteuse devait fasciner tout un chacun ; son issue était quelque chose qu’ils étaient des millions à attendre, le souffle suspendu.
Avoir une telle personnalité interdisait tout simplement de suivre certains raisonnements. On pouvait prévoir lesquels, car tous tendaient dans la même direction : de la personnalité instable aux objets, situations ou autres personnes en dehors du champ de contrôle du sujet (même fantasmatique : le névrosé pouvait faire la différence, mais pour le psychotique cela revenait au même.)
Annie Wilkes avait voulu la destruction de Fast Cars et donc, pour elle, il n’y en avait eu qu’un exemplaire.
Peut-être aurais-je pu sauver le foutu machin en lui disant qu’il en existait des doubles. Elle se serait rendu compte qu’il était futile de détruire le manuscrit. Elle…
Sa respiration, qui s’était ralentie alors que le sommeil le gagnait, s’accéléra subitement tandis que ses yeux s’agrandissaient.
Oui, elle aurait compris la futilité de ce geste. Elle aurait été obligée de reconnaître l’existence de l’un de ces raisonnements qui aboutissaient à des choses qu’elle ne pouvait contrôler. Son moi aurait été blessé, aurait protesté-
J’ai tellement mauvais caractère !
Si elle s’était trouvée confrontée avec l’idée de l’impossibilité de détruire son « sale livre », n’aurait-elle pas pu décider de détruire à la place celui qui en était l’auteur ? Après tout, il n’existait aucun deuxième exemplaire de Paul Sheldon.
Son cœur battait vite. Dans l’autre pièce, l’horloge se mit à sonner, et il entendit au plafond le bruit lourd des pas d’Annie Wilkes. Puis, presque imperceptible, un bruit d’eau, comme elle urinait. Ensuite la chasse d’eau. De nouveau, son pas pesant, comme elle regagnait son lit. Et finalement, le craquement des ressorts du sommier.
Vous ne me mettrez plus en colère, n’est-ce pas ?
Soudain, son esprit tenta de prendre le galop, comme un trotteur trop vif que démange l’envie de foncer. A quoi aboutissait, au regard de la question de sa voiture, toute cette psychanalyse de bazar ? À savoir quand on la retrouverait ? Qu’est-ce que cela signifiait pour lui ?
« Attends une minute, murmura-t-il dans l’obscurité. Attends une minute, ne raccroche pas. On se calme. »
Il se cacha de nouveau les yeux dans le creux du bras et invoqua une fois de plus l’officier de police aux lunettes de soleil comme des miroirs et aux favoris un peu trop longs. Nous avons trouvé un véhicule renversé dans le fossé, à mi-chemin de la route Machin-truc, disait-il en substance, et patati et patata.
Sauf que cette fois-ci, Annie ne l’invite pas à prendre un café. Cette fois-ci, elle ne se sentira en sécurité que lorsqu’il sera hors de la maison et déjà loin sur la route. Même dans la cuisine, même avec deux portes fermées entre la chambre d’ami et cette cuisine, même avec l’ami dans la chambre drogué jusqu’aux yeux, l’officier pouvait entendre un gémissement.
Si on trouvait sa voiture, Annie Wilkes se saurait dans le pétrin, non ?
« Oui », souffla Paul. Ses jambes se remettaient à lui faire mal, mais c’est à peine s’il s’en rendait compte devant ce qu’avait d’horrible ce qui lui venait à l’esprit.
Dans le pétrin non pas pour l’avoir emmené dans sa maison, en particulier si elle était plus proche du lieu de l’accident que de Sidewinder (ce que Paul croyait) ; non, pour cela, elle aurait droit à une médaille et à une carte de membre d’honneur à vie du fan-club de Misery Chastain (au grand désespoir de Paul, ce fan-club existait vraiment). Mais pour l’avoir installé chez elle, dans sa chambre d’ami, sans en souffler mot à personne. Pas d’appel téléphonique à un service d’ambulances : « Ici Annie Wilkes, sur la route de montagne Machin-truc, j’ai un type ici, on dirait que King Kong s’en est servi de punching-ball. » Mais pour l’avoir bourré de drogues auxquelles elle était certainement supposée ne pas avoir accès – même s’il avait été moitié moins accro qu’il ne pensait l’être. Mais pour l’avoir en outre soumis à un traitement bizarre, pour lui avoir installé un goutte-à-goutte dans le bras, pour lui avoir éclissé les jambes avec des morceaux de béquilles en aluminium débités à la scie. À cela s’ajoutait le fait que Annie Wilkes avait déjà dû comparaître à Denver devant un tribunal… et pas comme simple témoin à décharge, pensa Paul. Je suis prêt à parier ma chemise là-dessus.
Donc elle observe le flic qui reprend la route dans sa limousine éclatante de propreté (mis à part, cela va de soi, les paquets de neige sale et de sel nichés sous les ailes et les pare-chocs) et elle se sent à nouveau en sécurité… mais pas trop en sécurité, car elle est maintenant comme un animal qui sent le vent. Et n’en aime pas l’odeur.
Les flics vont fouiner partout, revenir, s’acharner ; il n’est pas Tartampion de Trifouillis-les-Oies, mais Paul Sheldon, le Jupiter littéraire du front duquel était née Misery Chastain, l’enfant chérie des balayeuses et des midinettes de supermarché. Peut-être qu’une fois leur ratissage terminé ils arrêteraient de chercher, ou chercheraient ailleurs ; mais peut-être aussi qu’un des Roydman l’avait vue passer, cette nuit-là, et remarqué quelque chose de curieux à l’arrière de la vieille Bessie, une forme enroulée dans des couvertures, une forme vaguement humaine. Même s’ils n’avaient rien vu, les Roydman étaient bien capables d’inventer une histoire de toutes pièces pour lui causer des ennuis ; les Roydman ne l’aimaient pas.
Les flics pourraient revenir, et cette fois l’invité de la maison ne serait peut-être pas aussi tranquille.
Il se souvint de ses yeux affolés regardant partout à la fois quand le feu du barbecue avait failli s’étendre à la pièce. Il la revoyait se léchant les lèvres. Il la voyait qui allait et venait, ses mains s’ouvrant et se refermant, et qui jetait de temps en temps un coup d’œil dans la chambre d’ami où il gisait perdu dans son nuage. Il l’entendait qui adressait d’occasionnels « Bonté divine ! » aux pièces vides.
Elle avait volé un oiseau rare au splendide plumage, un oiseau rare qui venait d’Afrique.
Et que lui ferait-on si on découvrait ce qu’elle avait fait ?
Eh bien, elle se retrouverait devant un tribunal une fois de plus, bien sûr. Elle viendrait de nouveau à la barre de celui de Denver. Et cette fois-ci, elle risquerait de ne pas en sortir libre.
Il enleva le bras de devant ses yeux, et regarda les entrelacs biscornus de S et de L du plafond. Il n’avait pas besoin de se cacher les yeux dans le creux du bras pour imaginer le reste. Elle retarderait le moment d’agir d’un jour ou d’une semaine. Il faudrait peut-être le coup de téléphone ou une visite de la police pour qu’elle décide de se séparer de son oiseau rare. Mais c’était ce qu’elle finirait fatalement par faire, tout comme les chiens sauvages enterrent leurs proies illicites après avoir été quelque temps pourchassés.
Elle lui donnerait cinq gélules au lieu de deux, ou bien l’étoufferait avec un oreiller ; à moins, tout simplement, qu’elle ne l’abatte. Il devait bien y avoir un fusil dans la maison – pratiquement tous les gens habitant sur ces hauteurs en possédaient un – et ça réglerait le problème.
Non. Pas d’un coup de fusil.
Trop sale.
Risquait de laisser des traces.
Rien de cela n’était encore arrivé parce qu’on n’avait pas encore retrouvé la voiture. On le cherchait éventuellement à New York ou à Los Angeles, mais sûrement pas à Sidewinder, Colorado.
Et au printemps ?
Les S et les L du plafond s’entortillaient. Suriné. LeSSivé. aSSaSSiné.
Les élancements, dans ses jambes, se faisaient plus insistants ; elle viendrait à la prochaine sonnerie de la pendule, mais il redoutait presque qu’elle lût ses pensées sur son visage, comme le scénario squelettique d’une histoire trop macabre pour être écrite. Ses yeux se tournèrent vers la gauche ; un calendrier était accroché au mur. On voyait un garçon descendre en luge la pente d’une colline. D’après ce calendrier, on était en février, mais s’il n’avait pas fait d’erreur dans ses calculs, on se trouvait plutôt début mars. Annie Wilkes avait simplement oublié de tourner la page.
Combien de temps faudrait-il pour que la fonte des neiges révélât la Camaro avec son immatriculation new-yorkaise et ses papiers dans la boîte à gants, proclamant que son propriétaire était Paul Sheldon ? Combien de temps avant la visite de l’officier de police, ou avant qu’elle lût l’information dans un journal ? Combien de temps, au fait, avant les fontes de printemps ?
Six semaines ? Cinq ?
Éventuellement ce qui me reste à vivre, pensa Paul, soudain pris de frissons. La douleur dans ses jambes était maintenant complètement réveillée, et il lui fallait les attendre, elle et les petites gélules, pour qu’il pût penser à dormir.